Les trois trésors chinois (sanbao) – qi, jing et shen – traduisent la relation entre les forces physiques et spirituelles de la médecine traditionnelle chinoise.
Dans cet article, vous allez découvrir comment ces 3 trésors, représentant les dimensions céleste, humaine et terrestre, influencent l’union du corps et de l’esprit ainsi que leur impact sur la guérison.
On abordera également la complexité du Shen, ses multiples facettes et leur effet sur la santé physique et mentale.
Enfin, on reliera ces concepts traditionnels à des pratiques plus modernes, soulignant ainsi la pertinence continue de la MTC dans le temps.
C’est parti !
Sommaire
Le concept de la vie selon la médecine traditionnelle chinoise
La vie est une véritable insaisissable, voire énigmatique, qui anime tous les êtres.
La science moderne, ne pouvant retenir que les faits accessibles à l’observation, est incapable de définir la vie.
D’ailleurs, les biologistes parlent d’organismes vivants, tout en étant conscients de la difficulté à discerner le vivant du non vivant, et ‘appuient sur les notions de « facultés » ou de « fonctions » plutôt que sur l’existence d’un principe vital.
Qu’est-ce que « la vie » ? Comment est-elle définie par les praticiens de la médecine chinoise ?
La vie est un concept immatériel, insaisissable, que l’on tente de comprendre depuis des millénaires sans jamais atteindre la complète vérité.
Le souffle de la vie n’est ni palpable, ni observable. Par définition, la science moderne, qui s’appuie sur des observations scientifiques, n’est donc pas capable de définir la vie.
Les biologistes identifient un organisme vivant par ses facultés ou ses fonctions : autrement dit par son « faire », plutôt que par son « être ». On sait ce que la vie engendre, mais comment elle-même est-elle engendrée ?
Afin de mieux saisir l’essence de la vie, la philosophie chinoise du corps liée à la MTC et au Qi gong repose sur trois fondements, aussi appelés les trois trésors (三宝, sānbǎo) de la médecine chinoise.
Le chiffre trois représente tout d’abord les trois couches de l’univers (le ciel, l’humanité et la terre). Les Sanbao sont donc aussi appelés les trois trésors de l’humanité ou les trois trésors taoïstes.
En parallèle de ces trois trésors, on retrouve encore les trois trésors du ciel et les trois trésors de la terre, ce qui nous donne :
- les trois trésors du Ciel : Le soleil, la lune et les étoiles
- les trois trésors de l’Humanité (Sanbao) : Jing (精, essence), Qi (氣, souffle), Shen (神, esprit)
- les trois trésors de la Terre : Le feu, l’eau et le vent
À lire aussi : Les Cinq Éléments en Médecine Chinoise : Décryptage et Applications
L’union du corps et de l’esprit en MTC
On pourrait aussi ajouter conjointement le concept de Xing (形, xíng), la forme corporelle.
Le xing permet de traduire la relation permanente entre les forces spirituelles et matérielles, au sein de l’être humain comme à l’échelle de l’univers.
La médecine chinoise traditionnelle considère que le corps et l’esprit sont indissociables : l’un ne peut fonctionner sans l’autre, l’un influe l’autre, l’un soigne l’autre et l’un dérègle l’autre.
Lorsque l’on prend en charge un patient, une maladie ou un mal, il faut donc considérer l’articulation de l’ensemble de trois trésors (sanbao) au sein même du corps (xing).
Comprendre le concept de Shen : l’esprit
Le sinogramme du Shen
Shen (神, shén) est traduit par esprit, dieux, ou encore divinité.
Il est composé de deux radicaux :
礻/ 示 : shì
On peut le traduire par une manifestation, une émanation divine, une parole sacrée descendant du ciel, un esprit supérieur s’adressant à un esprit inférieur.
Cette clé s’utilise (sous la forme de gauche) s’utilise dans les mots liés aux divinités, aux rituels, au sacré.
Dans sa forme originelle (celle de droite), les deux traits du haut représentent le ciel, et les trois du bas représentent les trois trésors qui tombent du ciel (le soleil, la lune, les astres). Une autre interprétation serait celle d’un autel d’où s’élève de la fumée.
申 : shēn
On peut le traduire par extension, expansion ou encore propagation, dans le sens de partager une information. Le symbole originel représentait deux mains tirant sur une corde, soit l’union de deux forces, le yin et le yang.
Pour mieux comprendre la composition des caractères chinois, pensez à récupérer la table des 100 radicaux les plus communs de la langue chinoise :
La signification du concept de Shen
En médecine traditionnelle chinoise, le Shen est la définition d’une conscience céleste mentale qui organise et supervise l’ensemble des fonctions de l’organisme.
C’est elle qui permet de communiquer et de s’adapter à son environnement. Elle contrôle le reste du corps. On peut la représenter comme l’ensemble de l’activité psychique d’une personne.
En médecine scientifique, le Shen peut être appelé santé, vitalité ou énergie, mais perd cette connotation psychique apportée par la MTC.
C’est un terme vague qui ne se raccroche pas à des analyses précises, mais plutôt à un ressenti général de l’état physique d’une personne.
On constate une présence ou une absence de Shen en effectuant un examen clinique du patient : le teint de son visage, sa langue, son pouls…
Les différents aspects de Shen
Cette synthèse psychique se décline en cinq aspects en médecine chinoise, qui influent eux-mêmes sur chaque organe auquel ils sont reliés.
Nous vous détaillons ci-dessous les signes pour reconnaître la responsabilité, l’équilibre et la perturbation de chaque aspect (dysfonctionnement lié à un élément externe comme l’alcool ou la fièvre) selon la MTC.
Le Shen global (神, shén), le cœur & coordinateur
Responsable de : | Signes d’un Shen équilibré : | Signes d’un Shen déficient : | Signes d’un Shen perturbé : |
la coordination | esprit clair | dépression | euphorie |
la configuration de l’être | discours cohérent | timidité | incohérence |
la cohérence de la personnalité | cœur serein | mauvaise interprétation des situations | confusion |
la gestion des événements | tendance à la plainte | ||
l’adaptation environnementale | déstructuration de la personnalité |
Le Hun (魂, hún), le foie & l’inconscient initiateur
Hun est composé du caractère du nuage (云, yún) (utilisation phonétique) et du fantôme (鬼, guǐ). Il peut se traduire par esprit ou essence spirituelle.
Responsable de : | Signes d’un Hun équilibré : | Signes d’un Hun déficient : | Signes d’un Hun perturbé : |
l’inconscient (rêves, désirs) | actes de création | passivité, lassitude | sommeil agité |
les projets, les passions | élaboration de stratégies | manque de désirs et d’enthousiasme | cauchemars |
les impulsions pour agir | appauvrissement de l’imaginaire | projets excessifs et incohérents | |
l’instinct, les pulsions | incapacité à concevoir des plans | imagination débridée | |
l’imagination | pulsions incontrôlables |
Le Po (魄, pò), le poumon & le protecteur
Po est composé du caractère de blanc (白, bái) (utilisation phonétique) et du fantôme (鬼, guǐ). Il peut se traduire par l’âme, la partie spirituelle qui ne peut se détacher du corps même après la mort.
Responsable de : | Signes d’un Po équilibré : | Signes d’un Po déficient : | Signes d’un Po perturbé : |
actions utiles à la survie | refus de ce qui est nuisible | perte de l’instinct de survie | état obsessionnel |
réactions primaires (respiration, déglutition…) | vulnérabilité | crainte de l’avenir | |
instinct de conservation | désintérêt |
Le Yi (意, yì), la rate & le gardien des expériences
Yi est composé du caractère du son (音, yīn) (utilisation phonétique) et du cœur (心, xīn). Il peut se traduire par le son du cœur, la pensée profonde, l’opinion.
Responsable de : | Signes d’un Yi équilibré : | Signes d’un Yi déficient : | Signes d’un Yi perturbé : |
l’enregistrement des expériences | apprentissage aisé | mauvaise mémoire | mémoire obsessionnelle |
la reformulation des informations | bonne compréhension | conceptualisation confuse | attachement au passé |
bonne mémoire | idées fixes | ||
énonciation claire |
Le Zhi (志, zhì), les reins & la détermination
Zhi est composé du caractère du guerrier ou du lettré (士, shì) (utilisation phonétique) et du cœur (心, xīn). Il peut se traduire par l’ambition, l’idéal, la résolution qui réside dans le cœur du guerrier.
Responsable de : | Signes d’un Zhi équilibré : | Signes d’un Zhi déficient : | Signes d’un Zhi perturbé : |
la volonté | concentration | peur | témérité |
la détermination | autorité | indécision | tyrannie |
la réalisation d’une intention | affirmation de soi | caractère changeant | autoritarisme |
suivre un objectif | découragement | entêtement | |
soumission à l’adversité |
Comprendre le concept de Jing : l’essence
Le sinogramme de Jing
Jing (精, jīng) est traduit par essence, substance, vitalité.
Il est composé de deux radicaux :
米 : mǐ
C’est la clé qui représente le riz, des grains séparés par une tige. Elle traduit l’idée de nourriture, de semence à l’origine de la vie.
青 : qīng
On peut le traduire par la couleur bleue ou verte, ou par une plante. On retrouve d’ailleurs en haut l’élément de la plante, et en bas la clé du cinabre, une sorte de four où cuit la matière.
Cela représente les transformations invisibles qui s’opèrent au niveau des racines et qui permettent à la plante de pousser.
La signification du concept de Jing
Le sens étymologique se rapporte à la graine noble, produit d’un raffinage ou d’une transformation.
En médecine traditionnelle chinoise, on le traduit par l’essence vitale contenue dans la graine de la vie, et qui lui permet de grandir conformément à ses critères d’origine.
Par exemple, le Jing fait qu’un gland ne peut se transformer qu’en chêne.
L’être humain est, lui aussi, porteur de ces mêmes critères, d’un potentiel dont il ne peut se défaire et qui est inscrit en lui dès sa conception (ADN, destin).
On distingue deux Jing :
Le Jing inné, issu de la rencontre des Jing des deux parents. C’est le potentiel non exprimé à l’origine de l’individualisation de l’individu.
- Héritage, code génétique
- Sans forme (無形 / 无形, wúxíng) – 無 = manquer de, 形 = forme corporelle
- Issu du Ciel antérieur (先天, xiāntiān) – 先 = ancêtre, 天 = ciel
- Spécialisation des activités physiologiques du Qi
Le Jing acquis, qui est produit tout au long de la vie, au fil des rencontres, des expériences et des décisions. Il complète le Jing inné.
- Individualisation
- Avec forme (有形, yǒuxíng) – 有 = posséder, 形 = forme corporelle
- issu du Ciel postérieur (後天, hòutiān) – 後 = descendant, 天 = ciel
- Transformations métaboliques dépendant du Qi
Concept de Qi : le souffle
Le sinogramme de Qi
Qi (氣 / 气, qì) est traduit par souffle vital.
Il est composé de deux radicaux :
气 : qì
C’est la clé qui représente le souffle au sens de l’air ou de l’énergie.
米 : mǐ
C’est la clé du riz, située en dessous de la clé de l’air.
Une traduction possible de cet assemblage serait donc la vapeur sortent du riz lorsqu’il est cuit (transformation).
La signification du concept de Qi
L’emploi du Qi et sa (ses ?) définition(s) dans la langue chinoise reste un sujet de discussion, voir de controverse.
Au sens large, on pourrait lui attribuer la représentation d’un fondement de la constitution de l’univers, de l’origine des énergies et des substances naturelles.
Mais au-delà du Qi en tant qu’émanation spirituelle ou psychique, la médecine traditionnelle chinoise use aussi du sens de :
- transformation
- mouvement
- communication
- fonctionnement
- connexion
Bien qu’il puisse être utilisé en opposition au matériel Xing (形, xíng), le Qi peut lui aussi être employé pour désigner des substances physiques.
Pour en savoir plus sur le Qi, lisez notre article dédié :
Une relation profonde interconnectée entre les trois trésors chinois
Comme nous venons de le voir, le Shen, le Jing et le Qi occupent chacun une place de premier choix dans la vision de l’être humain, des organismes vivants et de la vie en elle-même.
Les trois trésors de la médecine chinoise sont des notions indissociables.
Si les nommer risque de réduire leur signification, elles permettent également de définir par opposition les notions de corps physique Xing (形, xíng) et de transformation Hua (化, huà).
Ces aspects traduisent en MTC des relations de causes à effets entre le corps physique et le corps psychique, l’esprit et l’organique, le conscient et l’inconscient. Ils se relient encore aux organes et se manifestent à la fois par des transformations corporelles et mentales.
En MTC comme au cœur de la philosophie chinoise, tout est lié : c’est une parfaite retranscription de l’esprit de la médecine traditionnelle chinoise, qui entrevoit les patients comme un organisme complexe, interdépendant, là où la médecine occidentale se concentre sur des maux isolés.
Culture formidable ! Merci infiniment. Théa