As-tu déjà entendu parler de la légende des Gu Huo Niao en Chine ?
Également connues sous le nom de « oiseau crocodile », ce sont des sortes de créatures hybrides, mi-oiseau mi-humaine (un peu comme des harpies) qui traversaient les cieux pour enlever les enfants des autres et les élever comme siens.
Dans cette leçon, je te propose de partir à la découverte de ces créatures mystiques de la mythologie chinoise.
Tu découvriras notamment l’histoire originelle derrière cette légende chinoise, ainsi que leur rôle dans la Chine ancienne.
C’est parti !
Sommaire
Qu’est-ce que les Gu Huo Niao exactement ?
Gu Huo Niao (姑穫鸟, gū huò niǎo) peut être traduit par “La femme oiseau kidnappeuse” en chinois.
On peut aussi les rencontrer sous le nom de “oiseau crocodile”, notamment dans les adaptations japonaises de cette légende chinoise.
Voici la signification de chaque mot :
- 姑 = tante, belle-mère.
- 穫 = obtenir, récolter
- 鸟 = oiseau
Et voici d’autres noms chinois communs pour parler des Gu Huo Niao :
- 夜行游女 – La fille nocturne
- 隐飞鸟 – L’oiseau caché
- 钩皇鸟 – L’oiseau à crochet
- 鬼车 – La voiture fantôme
- 天帝少女 – La fille de l’empereur céleste
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À quoi ressemblent les Gu Huo Niao
Les Gu Huo Niao sont représentées sous forme de fantômes féminins dans le folklore chinois.
Nées du chagrin et de la colère de jeunes femmes mortes en couches, ces mères se transforment en oiseaux et traversent les cieux, de nuit, pour enlever les enfants des autres et les élever comme siens.
Elles marquent leur proie en empreignant de sang les vêtements des bambins lorsque le soleil se couche. Puis, lorsque la mère revêt son enfant de ces vêtements, ce dernier expire son dernier souffle et son âme rejoint la Gu Huo Niao qui l’a marqué.
On dit que les filles enlevées de cette manière deviendront, à leur tour, des Gu Huo Niao.
Bien qu’elles soient généralement vues sous forme d’oiseaux vengeurs, les Gu Huo Niao peuvent se dévêtir de leurs plumes et reprendre forme humaine.
C’est là que réside leur principale faiblesse : en volant le plumage de ces créatures, celles-ci ne pourront plus s’enfuir. Dans les légendes chinoises, certains hommes en profitent ainsi pour les garder auprès d’eux et les marier.
Pourquoi un démon oiseau ?
Parce que le cri d’un enfant qu’on enlève en pleine nuit ressemble à celui d’un oiseau.
La légende originelle des Gu Huo Niao, un récit de tromperies
La légende des Gu Huo Niao fut consignée dans le recueil de récits Xuanzhongji (玄中記, xuán zhōng jì) sous la dynastie des Jin occidentaux (西晉, 265-316).
Voici une adaptation du texte original en chinois et réécrite pour les besoins de cet article :
Quelque part dans la province de Jiangxi (江西省, jiāngxī shěng), dans le sud-est de la Chine, un homme passa un soir devant un champ. Au milieu des blés, six ou sept femmes de grande beauté jouaient les unes avec les autres.
Pour ne pas se faire voir, l’homme se coucha au sol et rampa doucement jusqu’à elles. Insouciantes, les jeunes femmes avaient déposé leurs plumages un peu plus loin.
L’homme s’empara de l’une de ces parures et la cacha, puis il revint jusqu’aux femmes et se dévoila soudain à elles. Prises de panique, toutes revêtirent leurs plumes et s’envolèrent, sauf une : celle dont le plumage avait été volé et caché. Elle n’eut d’autre choix que de se marier à cet homme.
Plusieurs années passèrent, et la femme donna naissance à trois filles. Lorsqu’elles furent suffisamment grandes, la jeune femme demande à l’une d’entre elles d’aller questionner son père au sujet de son plumage. L’enfant le fit et, sans trop réfléchir, l’homme lui indiqua où il avait caché l’habit depuis toutes ces années, sous un tas de riz.
L’enfant rapporta sa réponse à sa mère, qui récupéra aussitôt ses plumes, se transforma en oiseau et s’envola.
Elle revint quelque temps plus tard avec trois nouvelles robes de plumes dont elle drapa ses filles et, toutes quatre, les oiseaux s’envolèrent de nouveau.
Une retranscription de la place de la femme en Chine
On peut comparer cette légende chinoise à celle de la femme-cygne, très connue en Russie, ou à la légende du bouvier et de la tisserande, une autre histoire du folklore chinois.
Dans tous ces récits, on retrouve le thème de la constante transformation, de la complexité des rôles en société et de la place de la femme aux côtés de l’homme.
En effet, au-delà de l’aspect monstrueux des enlèvements d’enfants, la légende des Gu Huo Niao nous confie une vision singulière et acérée sur la société et le rôle des femmes dans la Chine ancienne.
Si la légende originelle nous dépeint les Gu Huo Niao comme des femmes voleuses d’enfant, est-ce parce qu’elle nous est racontée du point de vue de l’homme ? Le mari qui assiste, impuissant, au vol de ses enfants par sa femme ?
Et si nous nous accordons sur cette retranscription de la légende, la femme est-elle réellement une kidnappeuse, ou bien un être trompé et mariée de force qui doit user de manigances pour recouvrer sa liberté, et celle de ses filles ?
La notion de séparation prend aussi un sens différent si on la rapproche de l’organisation sociétale et surtout familiale de l’époque. Les jeunes filles chinoises quittaient le foyer (le nid) pour s’installer dans celui de leur nouvelle famille et abandonnaient ainsi derrière eux leurs parents à la solitude, tout comme l’homme de la légende.
La légende des Gu Huo Niao nous offre aussi un aperçu unique des croyances et de la perception de la famille dans l’ancienne Chine.
En explorant cette histoire, nous découvrons non seulement un conte intrigant, mais également des réflexions sur la condition humaine, les relations familiales et le rôle des femmes dans la société.
Elle peut être interprétée comme une métaphore de la dualité de la nature humaine, ainsi que de la complexité des relations entre les mondes physique et spirituel dans la culture chinoise.
De plus, cette créature mythique soulève des questions sur le pouvoir de la métamorphose et la façon dont les individus naviguent entre différentes facettes de leur identité.
Tissés dans les trames de la culture chinoise, les thèmes de la transformation, de la douleur et de la compassion exprimés à travers les Gu Huo Niao ne sont finalement que des prétextes pour nous offrir un aperçu intemporel de la culture et des traditions chinoises qui ont façonné sa légende.
Découvrir les légendes chinoises avec Chinois Tips
Si les mystères du Guo Huo niao vous ont captivé, laissez-vous également séduire par les légendes des hulijing, ces renards aux pouvoirs magiques profondément ancrés dans la mythologie chinoise.
Je vous invite à plonger dans cet article dédié pour en découvrir davantage sur ces créatures fascinantes.
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À bientôt dans cet univers enchanté.
Un grand merci pour cet article vraiment très intéressant et très clair 🙂
Merci Laurène ne nous emmener dans cet « univers enchanté », qui nous fait réaliser qu’il existe d’autres systèmes de perception, que les Chinois avaient inclus dans leurs traditions.