La question de la réunification de la Chine avec Taiwan est un sujet complexe et historique, qui remonte à la fin de la guerre civile chinoise en 1949.
À cette époque, le Parti communiste chinois (PCC) a pris le contrôle de la Chine continentale et a établi la République populaire de Chine (RPC), tandis que le Parti nationaliste chinois (KMT) s’est retiré à Taiwan et a continué à revendiquer la légitimité de la République de Chine (ROC).
Pour le gouvernement de Pékin, Taïwan est considérée comme une province inséparable de la Chine.
Cette vision est renforcée par le concept d’une « Chine unique », où Pékin est vue comme le seul gouvernement légitime de toute la Chine, incluant Taïwan.
Note : Cet article a été écrit par Christophe Durandeau, élève de Chinois Tips mais aussi fondateur du site Chine365. Dans ses articles, Christophe nous présente une perspective éclairée sur la Chine, loin de la propagande habituellement véhiculée par nos chers médias occidentaux.
Sommaire
- Contexte historique et le problème des deux Chine
- La reconnaissance d’une seule Chine
- La question du statu quo
- Est-ce que Taiwan est un pays ?
- Pourquoi Pékin veut réunifier la Chine ?
- Les graines du séparatisme à Taiwan
- La remise en cause du consensus de 1992
- Tensions dans le détroit de Taiwan
- L’ingérence croissante des États-Unis
- Pourquoi les États-Unis s’intéressent-ils tant à Taïwan ?
- Et si la Chine continentale attaquait Taiwan ?
- Et les Taïwanais dans tout ça ?
- Quel avenir pour Taïwan ?
Contexte historique et le problème des deux Chine
La République de Chine (ROC) a été l’un des membres fondateurs des Nations Unies en 1945, elle a eu de fait un siège au Conseil de sécurité ; elle était alors considérée comme l’unique représentant de la Chine sur la scène internationale.
Après 1949, la plupart des pays du monde ont continué de reconnaître la ROC comme le gouvernement légitime de la Chine.
En grande partie en raison de la pression politique exercée par les États-Unis, qui étaient un allié important de la ROC et qui considéraient le gouvernement communiste de la RPC comme une menace pour la sécurité régionale et mondiale.
En conséquence, la ROC a continué à occuper un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies et a été considérée comme l’unique représentant de la Chine sur la scène internationale.
Pendant les années 1950 et 1960, la ROC et la RPC ont continué de revendiquer la légitimité exclusive de la Chine et ont cherché à obtenir la reconnaissance internationale en tant que gouvernement légitime.
Cette situation a été connue sous le nom de « problème des deux Chine ».
À lire aussi : Les origines du conflit Chine – Taïwan
La reconnaissance d’une seule Chine
En pleine guerre froide, la France a été le premier grand pays du monde occidental à reconnaître le Parti Communiste Chinois comme étant le seul gouvernement légitime.
En janvier 1964, le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République populaire de Chine ont décidé, d’un commun accord, d’établir des relations diplomatiques et de mettre en place des ambassadeurs.
Lors de son allocution du 31 janvier 1964, le président de Gaulle soulignait :
« Le poids de l’évidence et de la raison », et de rajouter « Il y a quelque chose d’anormal dans le fait que nous n’avons pas de relations avec le pays le plus peuplé du monde sous prétexte que son régime ne plaît pas aux Américains. »
Ces mots prononcés il y a 60 ans sont malheureusement toujours autant d’actualité.
Pour le Général de Gaulle, il s’agissait avant tout de « reconnaître le monde tel qu’il est », mais également de tourner la page du colonialisme pendant le siècle d’humiliation.
Plus que d’approuver un système politique, il y avait surtout cette volonté de reconnaître l’existence d’un État de 700 millions de personnes.
Pour les États-Unis, cette annonce a eu des allures de trahison, voire de provocation.
À cette époque, la République populaire de Chine était l’ennemi du camp occidental, tandis que les États-Unis luttaient eux-mêmes contre l’extension du communisme en Asie et dans le monde.
Si Taiwan a siégé à l’ONU à partir de 1950, il a dû céder sa place le 25 octobre 1971, date à laquelle Pékin y a fait son entrée officielle.
Contraints et forcés, les Etats-Unis ont dû s’aligner.
En 1979, le président américain Jimmy Carter et le premier ministre chinois, Zhou Enlai rendent public un communiqué finalisé dans une salle du prestigieux hôtel Jinjiang, dans l’ancienne concession française de Shanghai.
Le douzième paragraphe stipule :
« Les Etats-Unis reconnaissent tous les Chinois des deux côtés du détroit de Taïwan, maintiennent qu’il n’y a qu’une seule Chine et que Taïwan fait partie de la Chine. »
La question du statu quo
Le statu quo fait référence à la situation actuelle dans laquelle la République populaire de Chine (RPC) et la République de Chine (ROC) sont des entités politiques séparées.
Mais là où la RPC est reconnue comme le gouvernement légitime de la Chine par la plupart des pays du monde, la ROC au contraire n’est reconnue que par un petit nombre de pays.
Dans cette situation, la RPC maintient sa revendication sur Taiwan en tant que partie intégrante de son territoire, mais ne cherche pas à utiliser la force pour réaliser la réunification.
De son côté, la ROC maintient son propre gouvernement, son armée et ses institutions politiques, mais ne déclare pas formellement son indépendance de la Chine.
Le statu quo est souvent considéré comme une solution temporaire et instable, car il ne résout pas la question fondamentale de la souveraineté sur Taiwan.
Cependant, il a permis une certaine stabilité et une certaine prospérité économique dans la région.
Est-ce que Taiwan est un pays ?
Officiellement, Taïwan s’appelle la République de Chine (ROC) et possède son système politique démocratique, une constitution, une armée indépendante, sa propre monnaie et délivre ses propres passeports.
Pour certains, cela fait de Taïwan un pays. En réalité, c’est un peu plus complexe que cela.
La distinction entre un pays « de facto » et un pays « de jure » aide à comprendre la situation complexe de l’île sur la scène internationale.
- De facto, signifiant « dans les faits », désigne une situation qui existe dans la réalité, notamment en exerçant un contrôle effectif sur son territoire et sa population, avec son propre gouvernement, son armée, sa monnaie et ses institutions politiques ;
- De jure, qui signifie « de droit » et fait référence à quelque chose qui est reconnu légalement. Un tel pays est officiellement accepté et reconnu par d’autres États et organisations internationales en tant que nation souveraine selon les normes du droit international.
En somme, cette distinction reflète la situation complexe et controversée de l’île sur la scène internationale.
Taïwan est « dans les faits » un État avec ses propres institutions politiques et économiques mais il n’est pas reconnu « dans le droit » par la plupart des pays du monde.
Aucun pays du G20 n’y possède une ambassade, tout au plus, il y a des bureaux de représentation.
Les ambassades se trouvent toujours en Chine continentale.
De même, aucun grand pays n’accueille d’ambassade taïwanaise, et Taiwan n’a pas non plus de siège aux Nations Unies, ni à l’OMS, mais a tout de même été admis à l’OMC.
Quasiment l’ensemble de la communauté internationale ne reconnaît pas Taiwan comme un pays, mais simplement une province chinoise.
Pourquoi Pékin veut réunifier la Chine ?
Pour le gouvernement de Pékin, l’île de Taïwan est considérée comme une province inséparable de la Chine.
Pour certains, c’est le signe de l’ambition démesurée de Xi Jinping, pour d’autres c’est pour augmenter influence chinoise dans la région.
En fait, la principale raison est avant tout idéologique et elle est liée des concepts clés de la culture chinoise, tels que l’harmonie ou l’importance de la famille.
De chaque côté du détroit, ce sont des Chinois, c’est comme une même famille dont les frères et sœurs se sont séparés.
Depuis des milliers d’années, la famille est le fondement de la société chinoise.
La réunification est donc considérée comme un moyen de rétablir l’unité de la famille chinoise, en réunissant ses membres qui ont été séparés par des décennies de conflit politique et idéologique.
L’harmonie est un concept fondamental de la pensée chinoise traditionnelle, qui met l’accent sur l’importance de maintenir l’équilibre et l’unité dans les relations sociales, politiques et naturelles.
La séparation actuelle entre la Chine continentale et Taiwan est une source de tension et de conflit ; la réunification est la seule façon de rétablir l’harmonie et l’unité dans la région.
Les dirigeants chinois ont souvent souligné que la réunification doit être réalisée de manière à préserver l’harmonie sociale et la stabilité régionale, et que toute solution doit être acceptable pour les peuples de Taiwan et de Chine continentale.
Les graines du séparatisme à Taiwan
En 2016, Tsai Ing-wen est élue présidente de la République de Chine (ROC).
C’est un virage important pour Taiwan car elle est issue du Parti démocrate progressiste (DPP), un parti pro-indépendant.
Mais avant tout, il faut clarifier un point important : avoir élu une présidente pro-indépendante ne veut pas dire que les Taïwanais sont pro-indépendants.
C’est un raccourci trop rapide. Comme dans touts les pays avec le suffrage universel, les électeurs doivent choisir entre un nombre limité de candidats.
Le choix final se fait notamment sur l’ensemble des promesses électorales et non pas sur un point particulier.
Nous y reviendrons plus loin.
Bien qu’elle soit dans l’ensemble considérée comme une bonne présidente, le mandat de Tsai Ing-wen a également été controversé, notamment car sa politique étrangère a été bien plus importante que sa politique intérieure.
Certains électeurs lui ont d’ailleurs reproché de ne pas en avoir fait assez pour relancer l’économie taïwanaise et de passer trop de temps à renforcer les liens de Taiwan avec d’autres pays, en particulier avec les États-Unis.
Du côté de la Chine continentale, il y a plusieurs choses qui ont vraiment agacé Pékin.
En particulier la volonté de Tsai Ing-wen de promouvoir l’identité distincte de Taiwan, jusqu’à aller demander, en 2020, la modification des manuels d’histoire dans le but de rompre les liens culturels avec le continent.
Taïwan y était représentée comme une entité culturelle indépendante, dont l’histoire n’est plus vraiment reliée à celle de la Chine.
À la rentrée 2020, de nombreux enseignants et parents taïwanais ont été stupéfaits de constater que 2 400 ans d’histoire chinoise avaient été condensés en seulement 1 600 mots sur quatre pages dans les manuels d’histoire de la deuxième année du collège.
C’est une véritable « dé-sinicisation » dans laquelle toutes les époques glorieuses des dynasties Han, Song et Tang ont disparu.
La vision de l’histoire de la jeune génération a complètement changé, évoluant vers ce que Tsai Ing-wen appelait « l’indépendance naturelle » de Taïwan.
À lire aussi : Histoire de Chine : résumé en images des Xia à l’époque contemporaine
La remise en cause du consensus de 1992
Le consensus de 1992 est un accord tacite entre Taiwan et la Chine continentale selon lequel les deux parties reconnaissent qu’il n’y a qu’une seule Chine, mais qu’elles peuvent avoir des interprétations différentes de ce que cela signifie.
Cet accord a permis aux deux parties de mettre de côté leurs différences idéologiques et politiques et de se concentrer sur les questions pratiques de coopération économique et culturelle.
Cependant, le consensus a été remis en question par la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen en 2016, qui a refusé de le reconnaître.
Elle a plutôt proposé une nouvelle approche, appelée « statu quo de facto », qui reconnaît la réalité de la division politique entre les deux rives du détroit de Taiwan, mais qui insiste sur le fait que les deux parties doivent traiter d’égal à égal.
Cette approche a été rejetée par Pékin, qui considère que cela remet en cause la souveraineté chinoise sur l’île.
En 2020, la République populaire de Chine a fait un pas en avant en proposant une offre d’autonomie « un pays, deux systèmes ». Tsai Ing-wen a fermement rejeté cet accord, et le contraire aurait été surprenant.
Au-delà des intérêts du peuple Taïwanais, accepter cet accord aurait eu pour conséquence de perdre ce qu’elle avait de plus important : le pouvoir politique.
N’importe quel dirigeant dans le monde aurait (malheureusement) pris la même décision.
Compte tenu des tensions en cours, la Chine continentale a coupé les pourparlers officiels avec Taïwan, et les chances qu’ils reprennent sont faibles.
Tensions dans le détroit de Taiwan
Les tensions de chaque côté du détroit deviennent alors de plus en plus palpables.
Sur le plan économique, la Chine continentale a réduit le nombre de touristes chinois se rendant à Taiwan, ce qui a eu un impact important sur l’industrie du tourisme de l’île.
Elle a également restreint les importations de certains produits taïwanais, tels que les fruits et les produits de la mer, dans le but de faire pression sur Taiwan.
La Chine continentale a augmenté sa présence militaire dans la région, avec des patrouilles régulières de navires de guerre et d’avions de combat près de l’espace aérien et des eaux territoriales de Taiwan.
En réponse, Taiwan a renforcé sa défense militaire et a cherché à renforcer sa coopération militaire avec les États-Unis.
Il est d’ailleurs important de clarifier un point qui est souvent source de confusion. Régulièrement, il est possible de lire dans la presse que les avions chinois survolent la zone d’identification de Taiwan sans autorisation.
ADIZ est l’acronyme de Air Defense Identification Zone (Zone d’Identification de Défense aérienne). Il s’agit d’une zone en dehors de l’espace aérien souverain d’un pays.
Quand un avion entre dans cette zone, il est tenu de s’identifier. Il faut donc considérer une ADIZ comme une zone tampon, dans laquelle passe un avion avant d’entrer dans l’espace aérien d’un pays.
Une ADIZ n’a pas de base juridique, n’est définie dans aucun traité international et n’est réglementée par aucun organisme. Elle est établie de façon unilatérale, sans négociation avec les pays voisins pour délimiter cette zone.
Plusieurs autres pays, tels que les Etats-Unis, le Japon, la Chine Continentale, la Corée du Sud, l’Inde ont défini une ADIZ.
Il est maintenant intéressant de regarder où se situe l’ADIZ de Taiwan, je devrais plutôt dire l’énorme ADIZ de Taiwan.
Elle englobe très largement l’île et s’étend même largement au-dessus de la Chine Continentale.
Ce qui signifie qu’un avion volant au-dessus de Xiamen se trouve dans l’ADIZ de Taiwan.
Ce que reproche Taiwan, c’est que les avions chinois viennent mordre légèrement sur l’ADIZ.
Mais en aucun cas ils ne survolent l’espace aérien taïwanais.
Il n’y a donc rien d’illégal, tout au plus c’est de l’intimidation.
L’ingérence croissante des États-Unis
Les États-Unis ont une longue histoire d’ingérence dans l’Asie du Sud-Est, remontant à la guerre du Vietnam dans les années 1960 et 1970.
Depuis, ils ont cherché à exercer leur influence dans la région, notamment en se mêlant des affaires de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est).
Certains pays membres ont critiqué les États-Unis d’utiliser leur influence économique et militaire pour faire avancer leurs propres intérêts dans la région, souvent au détriment des intérêts des pays de l’ASEAN.
Concernant Taïwan, les États-Unis ont été un allié important de la République de Chine (ROC) pendant la guerre civile chinoise et ont continué à soutenir le gouvernement taïwanais après que les nationalistes se soient retirés à Taiwan en 1949.
Depuis les années 1970, ils ont adopté une politique ambiguë, reconnaissant officiellement la souveraineté de la Chine sur l’île tout en maintenant des relations non officielles avec le gouvernement taïwanais et en fournissant une aide militaire.
Cette politique leur a permis de maintenir des relations stables avec la Chine tout en soutenant Taiwan.
Les États-Unis considèrent que la sécurité de Taiwan est importante pour la stabilité régionale et que les États-Unis ont le droit de vendre des armes à Taiwan pour se défendre contre une éventuelle attaque chinoise.
Mais parfois cette ingérence déborde largement de la ligne rouge.
Le Wall Street Journal a par exemple rapporté début octobre 2021 qu’une unité d’opérations spéciales américaine et un contingent de Marines ont opéré secrètement à Taïwan pour former les forces militaires de l’île.
« Environ deux douzaines de membres des troupes américaines d’opérations spéciales et de soutien assurent la formation de petites unités des forces terrestres de Taïwan. Les forces américaines opèrent à Taïwan depuis au moins un an, ont indiqué les responsables. »
Du point de vue du droit international, Taiwan est en territoire chinois.
Bien que les États-Unis reconnaissent une seule Chine, ils y ont envoyé en secret des troupes militaires.
Si les Chinois avaient fait de même aux États-Unis, cela aurait été considéré comme une déclaration de guerre. Pékin n’a pas réagi mais a vu rouge.
La visite de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, à Taïwan en août 2022 a également été très controversée.
Pour la Chine, une telle visite était clairement une violation de la politique de reconnaissance d’une seule Chine.
Elle intervenait à un moment où les tensions entre les États-Unis et la Chine étaient déjà élevées en raison de différends commerciaux, technologiques et géopolitiques.
Cela a été perçu comme une escalade inutile des tensions et une menace pour la stabilité régionale.
Alors qu’elle poursuivait sa visite vers la Corée du Sud, le président Sud-Coréen n’a même pas voulu la rencontrer, il a préféré partir en vacances.
Pour de nombreux critiques (même occidentaux) la visite de Nancy Pelosi était motivée par des considérations politiques intérieures, notamment pour afficher sa fermeté face à la Chine et renforcer sa position au sein du Parti démocrate.
Pourquoi les États-Unis s’intéressent-ils tant à Taïwan ?
Officiellement, les États-Unis affichent une longue histoire de soutien à la démocratie et aux droits de l’homme dans le monde entier, et Taïwan est considéré comme un exemple réussi de transition démocratique.
Dans les faits, ce soutien n’existe que s’il profite économiquement aux Américains.
Toutes leurs interventions militaires dans le monde ont avant tout pour objectif de leur faire conserver leur statut de première puissance mondiale.
Taïwan occupe une position géostratégique importante dans la région Asie-Pacifique, ce qui en fait un allié clé des États-Unis pour continuer son influence dans la région.
L’île est située à proximité de la Chine, du Japon, de la Corée du Sud et des Philippines, ce qui en fait un point de passage important pour le commerce et les communications maritimes.
S’ils veulent maintenir une présence militaire dans la région, les États-Unis doivent absolument préserver leur relation avec Taïwan.
TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) est la plus grande entreprise de fabrication de semi-conducteurs au monde et un acteur clé de l’industrie technologique mondiale.
Basée à Taïwan, elle est également un fournisseur important de l’industrie technologique américaine, avec des clients tels qu’Apple, Qualcomm et Nvidia.
Les semi-conducteurs sont des composants clés des équipements militaires, et les États-Unis dépendent de TSMC pour la fabrication de certains d’entre eux.
Si Taïwan devait tomber sous le contrôle de la Chine, cela pourrait avoir des conséquences importantes pour l’industrie technologique mondiale et pour les États-Unis en particulier.
La Chine pourrait décider de ne pas leur fournir de puces, pour les mêmes raisons pour lesquelles les États-Unis empêchent la Chine d’acheter des machines de lithographie ultraviolette (EUVL) à la société néerlandaise ASML, permettant de graver des semi-conducteurs avec une finesse de moins de 10nm.
Ils craignent que si la Chine acquiert cette technologie, cela renforce sa position dans l’industrie des semi-conducteurs et réduise la dépendance de la Chine vis-à-vis des fournisseurs étrangers.
Finalement, depuis 1949, les États-Unis mènent une politique d’endiguement afin de limiter l’influence et l’expansion de la Chine, car elle est considérée comme une menace pour leurs intérêts.
Ils cherchent également à protéger leurs intérêts économiques et stratégiques dans la région, notamment en ce qui concerne la liberté de navigation et le commerce.
Et si la Chine continentale attaquait Taiwan ?
Déjà, si Pékin avait vraiment voulu attaquer l’île, il l’aurait fait depuis longtemps, et cela n’aurait pris que quelques heures.
Même si Taiwan possède une armée, elle serait rapidement écrasée.
Est-ce que les États-Unis apporteraient leur soutien ? Rien n’est moins sûr.
Ils ont une loi, appelée « Taiwan Relations Act », qui prévoit la fourniture d’armes défensives à Taiwan et exige que les États-Unis maintiennent leur capacité à résister à toute utilisation de la force.
Cependant, la loi ne prévoit pas explicitement que les États-Unis doivent intervenir militairement en cas d’attaque contre Taiwan.
Bien que les États-Unis soient la plus importance force militaire au monde, une guerre contre la Chine est loin d’être gagnée, car ils sont loin de chez eux, cela complique beaucoup la logistique et les ravitaillements.
De plus l’armée chinoise s’est fortement modernisée ces dernières années.
En revanche, attaquer Taïwan serait un risque politique important pour Pékin.
Ce serait se mettre une grande partie de la communauté internationale à dos, et se voir infliger de lourdes sanctions économiques.
C’est pour cela qu’une voie pacifiste a toujours été privilégiée.
Et les Taïwanais dans tout ça ?
Bien que les relations entre la Chine et Taiwan soient souvent décrites en termes politiques, il est important de se rappeler que derrière ces tensions se trouvent des êtres humains.
Les Taïwanais et les Chinois ont des liens familiaux, culturels et historiques profonds, et nombreux sont ceux qui, d’un côté du détroit, ont des amis et des membres de leur famille de l’autre côté.
Et ce serait plutôt à eux de choisir leur avenir, plutôt qu’aux politiques.
La question de la réunification est controversée, et il existe des opinions divergentes à Taiwan et en Chine continentale sur la manière dont elle devrait être réalisée.
Certains à Taiwan sont favorables à l’indépendance, tandis que d’autres préfèrent le statu quo actuel ou une réunification pacifique avec la Chine.
Lors d’un sondage d’août 2022, il apparaissait que très peu étaient favorables à une unification rapide avec la Chine.
Et seulement 5% étaient favorables à une indépendance.
Plus de 82% préfèrent rester dans une forme de statu-quo, qui peut éventuellement évoluer vers l’unification ou l’indépendance (source).
Les opinions des Taïwanais sur la question de l’indépendance évoluent au fil du temps et varient beaucoup en fonction de l’âge.
La jeune génération, ayant été bercée au son de « la Chine c’est le mal », est forcément beaucoup plus pro-indépendance.
Cependant, il faut bien comprendre que la grande majorité des Taïwanais ne veut pas d’un conflit avec la Chine.
Car ils savent bien que ce n’est pas dans leur intérêt, notamment d’un point de vue économique.
D’un autre côté, il est facile de comprendre qu’ils ne veulent pas perdre les avantages qu’ils possèdent pas rapports à leurs frères de la Chine continentale.
Pékin devrait faire de la pédagogie, les rassurer sur leur avenir, leur expliquer quels seraient les bénéfices pour eux.
Ceux qui attisent les braises sur le feu en incitant au conflit armé sont souvent des expatriés qui seront les premiers à monter dans un avion pour repartir chez eux et regarder la guerre bien installée sur leur canapé devant leur écran géant.
Les vrais Taïwanais, eux, devront réellement subir les conséquences de ce conflit.
Quel avenir pour Taïwan ?
Pékin sait que s’il veut réunifier la Chine, il doit faire vite.
Plus le temps passe et plus le sentiment anti-chinois (principalement provoqué par l’ingérence occidentale) monte.
Au contraire, Taipei sait que le temps est à son avantage.
Donc la question de Taiwan est un enjeu complexe et délicat qui a des implications politiques, économiques et humaines profondes.
Ces tensions ont une longue histoire et sont liées à des questions d’identité, de souveraineté et de pouvoir.
Cependant, il est important de se rappeler que derrière ces enjeux politiques se trouvent des êtres humains, avec des espoirs, des craintes et des aspirations.
Les Taïwanais et les Chinois ont des liens familiaux, culturels et historiques profonds.
Malheureusement, les tensions politiques ont souvent entravé ces échanges et créé des obstacles à la compréhension mutuelle et à la coopération.
En fin de compte, la question de Taiwan ne peut être uniquement résolue par la force, mais nécessite une approche fondée sur le dialogue et la compréhension mutuelle.
À lire aussi :
Un article très intéressant et bien documenté. Toutefois, il me paraît assez orienté pro RPC.
Partout dans le monde y compris en occident, le manque de démocratie est notoire. Un référendum permettrait au peuple taïwanais d’affirmer et d’imposer sa volonté. Lui seul a légitimité à conduire les orientations de l’île de Taiwan. Souveraineté ou pas, ils doivent décider de leur avenir en leur âme et conscience car en cas de conflit, c’est bien le peuple une fois encore qui versera son sang.
Ce référendum a t il déjà eu lieu, si oui, le résultat du vote doit primer sur toute considération venues de la Chine continentale comme des États-Unis.
Il est bien d’avoir publié un article sur ce sujet un peu plus ‘’équilibré’’ que le précédent. Cette question touchant à l’intégrité territoriale et la souveraineté est très sensible pour les Chinois.
L’immense majorité des Taiwanais appartient à l’ethnie Han (95%) et ils parlent tous le mandarin, un peu plus ancien que celui parlé sur le continent. Taiwan faisait partie de la Chine au moins à partir du 17ieme siècle et ce jusqu’à l’invasion des Japonais.
Pour les Chinois, la réunification de Taiwan avec la Chine continentale mettra fin au ‘’siècle des humiliations’’ qu’ils ont vécu. Ce processus fait partie de la mission ultime de Xi Jinping et se produira, aux dires de beaucoup de Chinois, avant 2027 (fin de son 3ieme mandat). Elle se fera, soit pacifiquement, ce qu’il faut bien sur souhaiter, soit militairement si les poussées indépendantistes étaient attisées, notamment par les USA qui souhaitent créer des tensions un peu partout avec la Chine.
L’économie taiwanaise n’est pas très florissante ces dernières années et Mme Tsai n’aurait vraisemblablement pas été élue sans les évènements de HK en 2020 (y-a-t-il un lien ?). Elle était plus florissante il y a 25 ans lorsque les relations entre Taiwan et la Chine étaient meilleures. L’économie chinoise n’a pas besoin de Taiwan, le contraire est moins vrai.
Enfin, les Taiwanais devraient juste se méfier de la solidité du ‘’parapluie américain’’, tout comme les Européens de celui de l’OTAN, ils ne seront pas éternels.
Puisque tous les sujets sont les bienvenus, à quand un article sur les Ouighours pour rectifier certaines contre-vérités ?
Merci pour votre analyse que je partage et qui est très éclairante sur ce sujet sensible.
Les chinois ont un avantage car ils pensent en terme de »temps » .
Pour eux c’est un évidence la réunification se fera . Taiwan est une province chinoise juridiquement ..
Et vous insistez sur les liens familiaux, culturels, étroits entre l’île et le continent…
Je crains qu’un référendum ne règle pas le problème , mais une approche longue ( Xi Jinping n’est pas pressé) et intelligente entre les deux parties sûrement.
Le rôle des USA comme vous le mentionnez sera sans doute moindre ..pour le moment ils agitent le chiffon rouge ..par contre si Trump reprend la conduite des USA que ce passera t’il .
Merci encore pour votre analyse.
Bonjour Philippe,
J’avais écrit une longue série d’articles sur la question du « génocide » des Ouïghours, en débunkant la plupart des accusations et en présentant une version plus nuancée.
https://chine365.fr/chine/ouighours/
Je me félicite chaque jour un peu plus de suivre Alex et chinoistips, avec tous les thèmes abordés, y compris celui-ci, et les différents intervenants.
la problématique Chine Taiwan méritait un éclairage: le paragraphe sur l’ADIZ était fort instructif.
MERCI !
Pour le fun (quoique …) je trouve que la récente invitation à la Mongie du président Chinois par le président Français mériterait aussi un décryptage sur la manière dont les chinois ont pu percevoir cette invitation (notamment le spectacle assez croquignolesque de la danse folklorique béarnaise sous la pluie, sur le balcon du restau). D’ailleurs existe t’il un mot chinois pour croquignolesque ?
Bonjour,
L’article a le mérite d’énumérer une chronologie qui fournit des repères,
mais en effet, le propos est orienté. Donc biaisé pour le lecteur.
Si chacun peut avoir son avis sur la question, vivre en Chine, connaître la culture, la langue, les dates et événements historiques ne font pas de nous des « spécialistes » ou des « experts » en géopolitique.
Nombreux sont les articles qui tournent en rond sur la question, font un focus ponctuel sur l’actualité, ou sont orientés.
Pourtant, certains chercheurs ou experts (pas tous) nous proposent des articles très éclairants, avec des angles de vue plus fins et nuancés, sans prise de position mais fournissant des éléments de réflexion aux lecteurs.
Bref, ce principe de précaution reste à mon sens indispensable pour ces sujets brûlants.
Ou bien, une chronologie un peu détaillée (avec des faits et pas des interprétations) pourrait suffire.
(Oh, 对了, en 1979, Zhou Enlai était décédé depuis 3 ans. Il s’agit de Hua Guofeng.)
Merci Christophe pour ces infos claires !
Alex, continue de nous éclairer avec tes articles sur la Chine et ne te préoccupe pas des critiques stériles 😉
Merci pour ce nouvel article qui nous donne plus de précisions sur les relations Chine-RPC.
Puisque nous connaissons la vision occidental et RPC de l’affaire, pourrait-on aussi connaître la vision du côté de Taïwan, (qui est hélas assez peu connue)?
À noter que connaissant bien les idées du parti nationaliste chinois (KMT), le parti majoritaire au parlement de Taipei, je peux moi-même exposer leur vision du conflit RPC-ROC.
Très bel article, abordant enfin un point de vue équitable et équilibré, du niveau d’un travail d’historien.
Il est d’ailleurs amusant que tout article sur ce sujet ne répercutant pas l’actuel point de vue américain soit qualifié ‘d’orienté’ (et certains des commentaires ici n’échqppent pas à la règle).
À ces esprits mal documentés sur l’histoire et abreuvés de cinquante ans de propagande américaine sur le sujet (y compris dans les programmes scolaires français), je recommande de comparer la situation politique de la Chine à la situation même des USA. Il se trouve que leur frontière sud (c’est à dire les états limotrophes du Mexique) n’a jamais été ratifiée : les quatre états frontaliers ayant été volés au Mexique au 19ème siècle.
Mais il faut aller au Mexique pour entendre parler de cette situation et de ce contentieux, copieusement censurée sur l’Internet des GAFAM (le « Manuel d’histoires comparées » publié par le Monde Diplomatique présente des exemples similaires).
Deux poids, deux mesures….
Merci pour cet article bien documenté.
Cependant il manque des éléments importants historiques fondamentaux pour mieux comprendre comme :
– Depuis le traité de Shimonoseki en 1895, Taiwan a été attribué au Japon. Le Japon ayant capitulé en 1945, il s’est retiré de Taiwan mais officiellement aucun traité n’a rendu Taiwan à la Chine.
– Les premiers habitants de taiwan n’étaient pas chinois mais austro-aborigènes.
– Les premiers à coloniser Taiwan ont été les portugais puis les hollandais. Les Hollandais restèrent aux commandes jusqu’à l’annexion de l’île par la dynastie Qing en 1683. Précisons que ce sont les Portugais qui, en route pour le Japon, croisèrent l’île en 1544 et lui donnèrent le nom de «Formose» (du portugais: ilha formosa: «la Belle Île»)
De ce fait la RPC peut bien affirmer que taiwan lui appartient mais d’un point de vue historique, ce n’est pas tout à fait légitime.
La proposition de la RPC d’1 pays 2 systèmes n’est qu’un mirage. Les taiwanais n’y croient pas une seconde surtout depuis que la RPC a repris HongKong !!!
Cet exemple suffit à convaincre la jeunesse Taiwanaise qu’elle aura tout à perdre en cas de réunification.
Taiwan est le seul pays d’Asie à avoir instaurer le mariage pour tous. La démocratie est totale.
La RPC veut la réunification non pas pour des raisons filiales, de culte de la famille chinoise mais surtout il s’agit d’une position stratégique et aussi économique avec le fait que Taiwan est un producteur de puces electroniques actuellement incontournable.pour
La RPC use non seulement l’intimidation militaire mais aussi le soft power ….
— la RPC peut bien affirmer que taiwan lui appartient mais
— d’un point de vue historique, ce n’est pas tout à fait légitime
Les premiers habitants de Taiwan étaient effectivement des aborigènes. Du fait de la proximité avec le continent, beaucoup de Chinois sont venus s’installer sur l’île, notamment en raison de ses terres fertiles.
Il y a eu alors beaucoup de mixité entre Chinois et aborigènes. Des mariages, des enfants, etc. Au fil des siècles, il y a eu une assimilation chinoise, aussi bien culturelle que génétique.
L’annexion de l’île par la dynastie Qing en 1683, ce n’était ni plus ni moins que rendre officiel quelque chose qui l’était déjà dans les faits.
— La RPC veut la réunification non pas pour des raisons filiales, de culte
— de la famille chinoise mais surtout il s’agit d’une position stratégique
— et aussi économique avec le fait que Taiwan est un producteur de puces
— electroniques actuellement incontournable
Je ne partage pas cet avis, pour plusieurs raisons :
1/ TSMC est le leader incontesté des puces avec une gravure très fine. Mais il faut aussi faire la part des choses : ce n’est pas le marché le plus important des semi-conducteurs. Si les iPhones et autres smartphones ont besoin de ce type de puces, il y a aussi tout un tas d’équipements qui se contentent de gravures moins fines.
2/ La Chine continentale se donne les moyens d’arriver à maîtriser les gravures de plus en plus fines. Ce n’est pas encore le cas, ils ont du retard, mais mois après mois, année après année, ils progressent. Ils savent qu’un jour ils arriveront à faire aussi bien que TSCM, c’est juste une question de moyens financiers, de moyens humains et de temps.
Donc jour après jour, l’intérêt de TSMC diminuera, lentement mais sûrement.