Tu connais sĂ»rement Christophe Colomb. Peut-ĂȘtre mĂȘme Vasco de Gama ou Magellan.
Mais Zheng He (éć) ? Probablement pas.
Et pourtant⊠Ce marin chinois du XVe siÚcle a dirigé une flotte gigantesque. Plus de 60 ans avant que les Européens ne posent un pied en Amérique.
Imagine des navires aussi grands quâun terrain de foot. Une expĂ©dition de plus de 300 bateaux, 27 000 hommes Ă bord. Et des voyages qui lâont menĂ© jusquâen Afrique de lâEst, en passant par lâInde et les cĂŽtes arabes.
Ah, et le plus fou dans tout ça ? Zheng He nâĂ©tait pas un conquĂ©rant.
Il nâa jamais cherchĂ© Ă coloniser. Juste Ă nouer des liens, Ă©changer des prĂ©sents, impressionner⊠et faire rayonner lâempire des Ming.
Tu verras, son histoire est digne dâun roman. Sauf quâelle est bien rĂ©elle.
Au fil de lâarticle, je vais te raconter ses origines Ă©tonnantes, ses expĂ©ditions spectaculaires⊠et pourquoi il a Ă©tĂ© complĂštement effacĂ© des manuels dâhistoire occidentaux.
Et en passant, on en profitera pour apprendre quelques mots de vocabulaire sympa.
Par exemple, tu savais que le mot chinois pour « bateau » câest èč (chuĂĄn) ? Il va revenir souvent, crois-moi.
PrĂȘt pour embarquer ?
On largue les amarres.
Sommaire
- Les origines de Zheng He â Dâun garçon du Yunnan Ă bras droit de lâempereur
- Lâascension de Zheng He â Quand un eunuque devient amiral de lâEmpire
- Les 7 grandes expĂ©ditions de Zheng He â Une odyssĂ©e impĂ©riale
- Pourquoi Zheng He a (presque) disparu de lâHistoire
- LâhĂ©ritage de Zheng He â Le retour dâun hĂ©ros oubliĂ©
- Apprendre le chinois, câest aussi redĂ©couvrir ce genre dâhistoires
Les origines de Zheng He â Dâun garçon du Yunnan Ă bras droit de lâempereur
Avant de devenir le grand explorateur que lâon connaĂźt (ou pas assez), Zheng He sâappelait Ma He (驏ć).
Il est né en 1371, dans le sud-ouest de la Chine, dans une famille musulmane originaire du Yunnan.
Oui, musulmane. Eh oui, la Chine impĂ©riale Ă©tait bien plus diverse quâon ne lâimagine souvent.
à cette époque, la dynastie Ming vient tout juste de remplacer les Mongols. Et comme toujours aprÚs une guerre, les représailles tombent.
Ma He nâa que 11 ans quand les troupes impĂ©riales dĂ©barquent dans sa province. Son pĂšre est tuĂ©. Lui, il est capturĂ©.
Et comme beaucoup de jeunes garçons destinĂ©s Ă servir la cour impĂ©riale, il est castrĂ©. Brutal, mais courant Ă lâĂ©poque.
Câest comme ça quâil devient eunuque (ćźŠćź huĂ nguÄn).
Tu te demandes comment un enfant orphelin, rĂ©duit Ă lâĂ©tat de serviteur, a pu devenir le chef dâune flotte gĂ©ante ?
Câest lĂ que lâhistoire devient vraiment folle.
Ma He est envoyé à la cour du prince Zhu Di, le futur empereur Yongle.
Il y montre une intelligence vive, une grande loyauté et un sens aigu de la stratégie militaire.
Le prince le remarque, le forme, lui donne des responsabilités.
Petit à petit, Ma He gravit les échelons. Il devient son conseiller, son bras droit, son homme de confiance.
Et en 1402, quand Zhu Di prend le pouvoir, il le rĂ©compense en lui donnant un nouveau nom : Zheng He (éć).
Tu remarqueras : on change souvent de nom dans la Chine impériale.
Câest un signe dâascension sociale, de reconnaissance. Un peu comme passer de stagiaire Ă CEO⊠en beaucoup plus symbolique.
Zheng He est dĂ©sormais prĂȘt Ă prendre la mer.
Mais pas pour fuir la Chine.
Pour la représenter.
Lâascension de Zheng He â Quand un eunuque devient amiral de lâEmpire
Zheng He nâest pas juste un homme de confiance Ă la cour. Il est le confident de lâempereur Yongle (æ°žäč), lâun des souverains les plus ambitieux de la dynastie Ming.
Yongle ne pense pas petit. Il veut déplacer la capitale à Pékin, reconstruire la Cité interdite, rouvrir la Route de la soie⊠et surtout : montrer au monde la puissance de la Chine.
Et quoi de mieux pour ça quâune sĂ©rie dâexpĂ©ditions maritimes grandioses ?
Ă lâĂ©poque, la Chine est un gĂ©ant. Sur le plan Ă©conomique, militaire, culturel.
Mais contrairement Ă lâEurope, elle ne cherche pas Ă conquĂ©rir le monde.
Elle veut plutĂŽt tisser des relations, asseoir son autoritĂ© morale (ce quâon appelait le systĂšme du tribut, ou æèŽĄ chĂĄogĂČng), et impressionner ses voisins⊠et mĂȘme ceux qui vivent bien plus loin.
Câest lĂ que Zheng He entre en scĂšne.
Lâempereur lui confie une mission unique : prendre la tĂȘte dâune flotte gigantesque et partir âapporter les bienfaits de la civilisationâ aux contrĂ©es Ă©trangĂšres.
Oui, rien que ça.
Il nâĂ©tait pas marin de formation. Mais il avait tout ce quâil fallait : du charisme, une connaissance fine de la diplomatie, un sens politique aiguisé⊠et surtout, la totale confiance du Fils du Ciel.
Le titre quâil reçoit nâest pas anodin non plus : « Grand eunuque amiral des mers de lâOuest » (äžäżć€Șç).
Dans un empire oĂč le pouvoir civil et militaire est strictement sĂ©parĂ©, câest une exception absolue.
En quelques mois, les chantiers navals de Nanjing tournent à plein régime.
On construit des dizaines, puis des centaines de bateaux. Certains mesurent plus de 100 mĂštres de long â câest colossal pour lâĂ©poque.
Ă titre de comparaison, les caravelles de Christophe Colomb faisaient Ă peine 20 mĂštres.
Câest le dĂ©but de lâune des plus grandes aventures maritimes de lâHistoire.
Et le monde nâest pas prĂȘt pour ce qui arrive.
Les 7 grandes expĂ©ditions de Zheng He â Une odyssĂ©e impĂ©riale
Entre 1405 et 1433, Zheng He va diriger sept expéditions maritimes.
Sept voyages spectaculaires Ă travers lâocĂ©an Indien, Ă la tĂȘte de la plus grande flotte jamais vue Ă lâĂ©poque.
Et attention, on ne parle pas dâun petit tour en mer.
Une flotte digne dâun empereur
à son apogée, la flotte compte :
- Plus de 300 navires (dont les fameux trĂ©sors flottants, ćźèč bÇochuĂĄn),
- JusquâĂ 27 000 hommes Ă bord : marins, soldats, traducteurs, mĂ©decins, artisans, ambassadeursâŠ
- Des navires-citadelles jusquâĂ 120 mĂštres de long. Ă cĂŽtĂ©, les bateaux europĂ©ens ressemblent Ă des barques de pĂȘche.
Et surtout : tout ça 100% chinois. FabriquĂ© Ă Nanjing, avec les ressources de lâEmpire.
OĂč allait-il ? Et pourquoi ?
Contrairement aux explorateurs européens, Zheng He ne cherche pas de nouvelles terres à coloniser.
Il part avec des lettres impériales, des présents somptueux et un message clair : la Chine est grande, puissante, et veut établir la paix avec ses voisins.
Les principales étapes de ses voyages :
- Le Vietnam, le Siam (ThaĂŻlande), Java, SumatraâŠ
- LâInde (notamment Calicut),
- LâArabie (La Mecque !), les cĂŽtes persanes,
- Et mĂȘme lâAfrique de lâEst : Somalie, Kenya, ZanzibarâŠ
Oui oui, des marins chinois ont mis pied en Afrique 70 ans avant les Portugais.
Et à chaque escale, Zheng He offre des cadeaux impériaux, reçoit des tributs (or, ivoire, épices, animaux exotiques), et établit des alliances.
Il capture aussi quelques pirates au passage, pour bien montrer qui commande les mers.
Une girafe à la cour impériale
Une des anecdotes les plus célÚbres ? Lors de son expédition en Afrique, Zheng He reçoit une girafe vivante, offerte par le roi du Malindi (actuel Kenya).
Elle est ramenĂ©e en Chine, prĂ©sentĂ©e comme un qĂlĂn (éșéș) â une crĂ©ature mythique porteuse de paix.
Imagine un empereur chinois découvrant une girafe dans sa cour.
Une image surréaliste⊠et pourtant historique.
Des temples, des stÚles⊠et des messages en plusieurs langues
Zheng He nâĂ©tait pas juste un navigateur. Il Ă©tait aussi un diplomate, un religieux (musulman de naissance, trĂšs ouvert au bouddhisme), et un bĂątisseur.
Ă chaque Ă©tape importante, il fait graver des stĂšles commĂ©moratives en chinois, tamoul, arabe⊠Certaines sont encore visibles aujourdâhui, comme Ă Galle au Sri Lanka.
Pendant prĂšs de 30 ans, ces expĂ©ditions ont fait rayonner la Chine sur tout lâocĂ©an Indien.
Et pourtant, malgrĂ© ce succĂšs, elles vont brutalement sâarrĂȘterâŠ
Pourquoi Zheng He a (presque) disparu de lâHistoire
Quand on lit lâampleur des expĂ©ditions de Zheng He, on se demande tous la mĂȘme chose :
Mais pourquoi est-ce que personne nâen parle ?
Pourquoi son nom est-il quasiment absent des manuels scolaires occidentaux ?
Pourquoi ses exploits nâont-ils pas laissĂ© la mĂȘme trace que ceux de Colomb ou Magellan ?
La réponse est aussi politique que tragique.
Une Chine qui se referme
Tout bascule aprĂšs la mort de lâempereur Yongle, son protecteur.
Le nouvel empereur nâa pas du tout les mĂȘmes prioritĂ©s. Il trouve les expĂ©ditions trop coĂ»teuses, trop lointaines, et surtout : inutiles pour la stabilitĂ© de lâempire.
LâidĂ©e dominante Ă la cour devient claire : pourquoi chercher Ă impressionner le monde, alors que la Chine est dĂ©jĂ le centre de la civilisation ?
Petit Ă petit :
- Les chantiers navals ferment,
- Les cartes maritimes sont détruites,
- Et la construction de bateaux de plus de deux mùts est⊠interdite.
Oui, interdite.
On entre alors dans une pĂ©riode dâisolationnisme. La Chine se tourne vers lâintĂ©rieur, et abandonne son ambition maritime.
Archives brûlées, mémoire effacée
Comme souvent dans lâhistoire, ce qui ne sert plus⊠disparaĂźt.
Une grande partie des journaux de bord des expéditions de Zheng He ont été perdus, détruits ou oubliés. Seules quelques stÚles, récits secondaires et archives locales ont survécu.
Et pendant que lâEurope entame son âĂąge des grandes dĂ©couvertesâ, la Chine reste sur ses terres.
Zheng He devient alors un héros sans héritiers. Un géant effacé des cartes.
Pas parce quâil a Ă©chouĂ©, mais parce que son succĂšs⊠nâavait plus de place dans lâidĂ©ologie du moment.
Mais son histoire ne sâest pas totalement Ă©teinte.
Aujourdâhui, Zheng He connaĂźt un vrai retour en grĂące.
LâhĂ©ritage de Zheng He â Le retour dâun hĂ©ros oubliĂ©
Pendant des siĂšcles, Zheng He est restĂ© dans lâombre. Presque effacĂ© des livres dâhistoire.
Mais depuis quelques décennies, la Chine a décidé de réhabiliter sa mémoire. Et pas juste pour la nostalgie.
Temples, statues et mémoriaux
Si tu vas Ă Nanjing (ćäșŹ) aujourdâhui, tu peux visiter le Tombeau de Zheng He (éććą).
Il y a aussi un musée qui lui est dédié, avec des maquettes géantes de ses navires, des cartes de ses expéditions, et des objets retrouvés sur ses routes maritimes.
Ă Kunming (ææ), sa ville natale, on lui rend aussi hommage.
Un temple, une stĂšle, une grande avenue Ă son nom.
Et dans plusieurs ports du Sud (Quanzhou, GuangzhouâŠ), il est cĂ©lĂ©brĂ© comme un protecteur des mers.
Une figure du soft power chinois
Mais au-delĂ des statues, Zheng He est aussi devenu un symbole politique.
La Chine moderne, surtout depuis le lancement du projet des Nouvelles Routes de la Soie (äžćžŠäžè·Ż, YĂdĂ i YĂlĂč), lâutilise comme un modĂšle de diplomatie maritime âharmonieuseâ.
Un explorateur pacifique, curieux, ouvert aux autres cultures.
Un homme qui échangeait, plutÎt que de coloniser.
Un contraste (bien utileâŠ) face Ă lâimage des explorateurs europĂ©ens.
Une source dâinspiration
Aujourdâhui, de nombreux livres, films et documentaires lui sont consacrĂ©s.
MĂȘme certains jeux vidĂ©o historiques lâont intĂ©grĂ© comme personnage jouable (Civilization, par exemple).
Et de plus en plus dâenseignants â en Chine, mais aussi ailleurs â lâintĂšgrent dans leurs cours pour Ă©largir la vision quâon a de lâhistoire des explorations.
Car oui, il nây a pas que lâEurope qui a naviguĂ© loin.
Ă voir aussi : Le documentaire de la chaĂźne Nota Bene
Apprendre le chinois, câest aussi redĂ©couvrir ce genre dâhistoires
Zheng He, câest le genre de personnage qui change ta vision du monde.
Il te rappelle que lâhistoire nâest pas Ă©crite par un seul peuple. Que pendant que lâEurope âdĂ©couvraitâ le monde, dâautres civilisations Ă©taient dĂ©jĂ en train de naviguer, Ă©changer, construire des ponts entre les cultures.
Mais surtout : câest en plongeant dans ces rĂ©cits quâon comprend pourquoi apprendre le chinois, ce nâest pas juste apprendre une langue.
Câest dĂ©couvrir une autre maniĂšre de voir le monde. Une autre mĂ©moire. Dâautres hĂ©ros.
Quand tu lis le mot âæ”·æŽâ (hÇiyĂĄng, la mer) en chinois, ce nâest pas juste une info de vocabulaire.
Câest un Ă©cho Ă des siĂšcles dâexplorations, de relations diplomatiques, de mythes⊠et parfois de girafes qui traversent les ocĂ©ans.
đ Elle est 100 % en ligne, 100 % accessible, et elle tâapprendra les premiers mots, les premiers tons⊠et surtout comment tâorganiser sans te perdre.
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