Dans cette leçon, tu vas découvrir l’un des courants les plus emblématiques de la philosophie chinoise : le confucianisme.
Si le bouddhisme et le taoïsme sont aussi connus par leur pratique dans divers autres pays d’Asie, le confucianisme se heurte encore aux mœurs occidentales.
L’importance du groupe (confucianisme) entre en conflit avec la logique rationnelle et personnelle (philosophie occidentale).
Alors, ces deux philosophies peuvent-elles coexister ?
Quels sont les principes du confucianisme ?
Peut-on le considérer comme une religion ou un modèle politique ?
C’est ce qu’on va découvrir ensemble !
Sommaire
Différences entre le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme
Malgré certaines différences fondamentales, le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme ont coexisté en Chine pendant des siècles. Ils ont influencé mutuellement les croyances et les pratiques religieuses et philosophiques de la population chinoise.
Mais alors, quelles sont leurs spécificités ?
On fait un rapide tour d’horizon avec vous pour vous éviter toute confusion :
Le confucianisme : respect
Le confucianisme, fondé par Confucius au Vᵉ siècle avant notre ère, est centré sur l’éthique et les relations humaines.
Il met l’accent sur la loyauté envers la famille, les rites et les traditions, ainsi que sur la vertu et la moralité.
Il joua un rôle central dans la société chinoise avec une très grande influence sur la politique, l’éducation et la hiérarchie sociale.
Le taoïsme : harmonie
Le taoïsme, développé par Lao Tseu au VIᵉ siècle avant notre ère, met l’accent sur le concept du Tao, qui peut être traduit par « la voie » ou « le principe ».
Le taoïsme vise à vivre en harmonie avec la nature et à trouver l’équilibre et la simplicité.
Il encourage la méditation, les pratiques de longévité et l’acceptation du changement.
Le bouddhisme : éveil
Le bouddhisme, originaire de l’Inde, est arrivé en Chine au 1ᵉʳ siècle après J.-C. Il se concentre sur les Quatre Nobles Vérités et le chemin vers l’éveil.
Le bouddhisme chinois a fusionné avec les croyances et les pratiques chinoises existantes pour créer une forme unique de bouddhisme chinois, souvent appelée bouddhisme chan ou zen.
Le bouddhisme a influencé la réflexion chinoise sur la souffrance, la compassion et la réincarnation.
Les principes du confucianisme : religion ou philosophie ?
Le confucianisme est une ancienne philosophie et une école de pensée qui trouve son origine en Chine.
En chinois, on l’appela d’abord Rújiā (儒家, école des lettrés) puis Rúxué (儒学, enseignement des lettrés).
À mi-chemin entre courant de pensée, doctrine d’état, philosophie et école morale, sa nature même fait encore débat parmi les nombreux spécialistes du sujet.
La question demeure :
Le confucianisme est-il une religion ?
La réponse est ambigüe.
On pourrait stipuler que oui, parce que ce courant s’est créé suite à l’abandon des anciennes croyances religieuses.
Le Confucianisme, à l’instar des religions, donne un cadre de vie avec des « règles » à respecter et des temples dans lesquels aller « pratiquer ».
Pour autant, il n’existe pas de Dieux dans les écrits confucéens qui transcrivent plus un idéal sociétal qu’un ensemble de dogmes et de miracles.
À lire aussi pour en savoir plus : Qui sont les véritables dieux en Chine
Qui est le fondateur du Confucianisme ?
Il tire son nom de Confucius, en chinois Kongfuzi (孔夫子, Maître Kong), un sage et penseur qui vécu en Chine de 551 à 479 avant notre ère.
L’établissement de ce courant de pensée devait se présenter comme une réponse aux périodes de chaos et d’instabilité spirituelle de l’époque.
Le peuple commençait à se questionner sur « l’impuissance » des Dieux : pourquoi ne pouvaient-ils pas agir contre les désastres de la vie quotidienne ?
Et s’ils ne pouvaient rien pour eux, en qui pouvait-on placer sa confiance ?
Confucius cherchait ainsi à restaurer l’harmonie de son peuple en établissant un ordre hiérarchique, où chacun pouvait « croire » en l’autre.
Il louait fermement l’importance de l’éducation, de la bienveillance, de la loyauté et du respect des traditions – un ensemble de valeurs qui fut à l’origine des fondements de sa doctrine.
Quel est l’ouvrage confucéen de référence ?
Les enseignements de Confucius furent compilés dans un livre appelé Lúnyǔ (论语, Les entretiens de Confucius) ou Analectes.
Ce texte pose les préceptes de la pensée confucéenne et présente les idées et principes de Confucius sur divers sujets éthiques et sociétaux.
La particularité de cet ouvrage tient au fait qu’il n’a jamais été écrit par le sage lui-même.
En effet, à son époque, ses idées n’étaient que guère écoutées et encore moins appréciées.
Il ne trouva d’ailleurs pas de maître à servir, et ce sont les disciples de ses propres disciples qui rassemblèrent par l’encre ses enseignements passés, compilant ainsi les souvenirs des conversations et des rencontres de Maitre Kong.
De ce fait, les écrits ne sont pas organisés par chapitre avec un ordre logique, mais plutôt par thème, chacun pouvant se lire séparément et dans l’ordre de son choix.
On attribue nombre de ces textes aux disciples de Zengzi (曾子), lui-même ami et disciple de Confucius.
Les enseignements de Confucius et la place du « ren »
Confucius a consacré sa vie à l’étude et à l’enseignement des relations sociales idéales, de l’éthique et de la morale.
Il vise l’intérêt collectif plutôt que personnel, et on peut le considérer comme en opposition aux philosophies occidentales qui se concentrent davantage sur le ressenti intérieur individuel.
Les valeurs qu’il enseigna à travers le confucianisme sont nombreuses. On retrouve notamment 5 vertus « officielles » :
- Bienveillance (仁, rén) : La bienveillance est la valeur fondamentale du confucianisme. Elle implique la compassion, la gentillesse et le respect envers les autres et vise à atteindre l’harmonie sociale.
- Droiture (义, yì) : La justice est essentielle pour maintenir l’ordre social et le traitement de chaque individu avec équité.
- Bienséance (礼, lǐ) : Les rituels et les cérémonies occupent une place importante dans la culture chinoise et permettent de renforcer les liens familiaux.
- Sagesse (智, zhì) : La sagesse, l’intelligence et la poursuite de la connaissance visent à améliorer la société et les individus qui la composent.
- Intégrité (信, xìn) : Confucius encourageait ses disiciples à être sincères et dignes de confiance en respectant leurs engagements.
On pourrait aussi ajouter, de façon non officielle :
- Respect des aînés (孝, xiào) : Le respect envers les aînés, ou piété filiale, contribue à la stabilité familiale et sociale.
- Hiérarchie (等级, děngjí) : Chacun devait jouer son rôle avec diligence pour maintenir l’ordre dans la société.
La notion du Ren confucéen
L’une des idées centrales de Confucius est la notion de Ren (仁, sens de l’humain), qui est souvent traduit par « bienveillance » ou « humanité » et se manifeste fortement dans le concept de piété filiale.
Cette piété filiale, appelée xiào (孝), traduit la nécessité du respect entre les relations père fils, et plus généralement envers nos parents et ancêtres.
C’est un modèle relationnel qui exige un respect mutuel et hiérarchique : les dirigeants doivent traiter leurs citoyens avec justesse, et en retour, lesdits citoyens expriment leur obéissance envers leurs dirigeants.
Le Ren influence ainsi de nombreuses relations : mari et femme, prince et sujet, parent et enfant, ainé et cadet, et les relations amicales. On appelle cet ensemble Wulun (五伦, les cinq relations) ou Wuchang (五常, les cinq constantes).
Voir aussi : L’influence du confucianisme dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC)
Dans les Entretiens de Confucius, on retrouve cette citation du sage :
Entre les Quatre Mers, tous les hommes sont frères.
En se basant sur la notion du Ren, il ne faut pas en traduire un idéal d’égalité, mais plutôt une relation équilibrée au sein d’un ordre hiérarchique établi (grand frère et petit frère).
Plutôt que de croire en l’utopie que chaque Homme est égal quel que soit son statut de pouvoir et de richesse, Confucius encourage à cultiver des qualités morales et des relations harmonieuses avec tous les autres membres de la société, qu’ils soient nos « dirigeants » ou nos « dirigés ».
Cette philosophie façonna ainsi la structure sociale, l’éducation et les valeurs morales chinoises.
La famille, première structure sociale où s’expriment les enseignements confucéens, devint l’un des piliers de la société, au même titre que le travail.
Le confucianisme était d’ailleurs doctrine d’état sous la dynastie des Han, et les lettrés qui travaillaient pour l’état devaient tous être formés aux enseignements du grand sage.
On attendait des personnes de pouvoir qu’elles appliquent ces principes à tout instant, aussi bien dans leur vie personnelle que professionnelle.
Les dirigeants prenaient ainsi leurs décisions en fonction de l’éthique morale qu’ils avaient étudiée plutôt qu’en se basant uniquement sur des stratégies politiques.
Ils étaient également tenus de promouvoir activement l’éducation et la culture, car ces aspects étaient considérés comme essentiels pour la formation de fonctionnaires compétents et moralement justes.
Le confucianisme en Chine moderne
Pendant la dynastie Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.), le confucianisme obtint le statut de doctrine d’État.
Il était enseigné dans les écoles, utilisé comme norme légitime de gouvernance et influençait tous les aspects de la société chinoise, jusqu’au sein des cellules familiales.
Malgré cette reconnaissance officielle, ce courant de pensée connu pourtant différentes périodes d’oppression et de suprématie au cours de l’histoire chinoise.
- Par exemple, durant la dynastie Qin (221-206 av. J.-C.), la philosophie confucianiste a été supprimée et les livres confucéens ont été brûlés.
- De même, lors de la Révolution culturelle en Chine (1966-1976), le confucianisme a été déclaré une « idée bourgeoise » et persécuté par le gouvernement.
Aujourd’hui, bien qu’il ne soit plus officiellement rattaché à l’État, le confucianisme reste étudié par un grand nombre de néophytes et de spécialistes et fait partie intégrante de la culture chinoise.
Le président Xi Jinping considère d’ailleurs que le confucianisme est un point d’étude très important pour les jeunes Chinois, et des institutions académiques dédiées à l’étude du confucianisme ont vu le jour à travers le pays.
Son influence peut se retrouver dans la famille (respect des parents, hiérarchie entre frères et sœurs parfois tyrannique…, ) comme sur le lieu de travail (distance respectueuse entre le patron et ses employés, qui préfèreront se taire plutôt que de « l’ennuyer » avec leurs problèmes).
Par exemple, un ami plus âgé que vous, peut s’attendre à davantage de marques de respect de votre part, tandis qu’il prendra un rôle plus protecteur envers vous.
La bonne connaissance de cette doctrine vous aidera à mieux déchiffrer les relations chinoises que vous pourrez tisser, qu’elles soient amicales ou professionnelles.
La pensée de Confucius et ses influences transverses
Le néoconfucianisme
À partir de la dynastie Song (960-1279 apr. J.-C.), le confucianisme s’est développé en réponse aux changements sociaux, politiques et culturels de l’époque : il donna naissance au néoconfucianisme.
Sous l’influence du bouddhisme et du taoïsme, les penseurs confucéens cherchèrent à revitaliser et à adapter les enseignements de Confucius aux défis modernes.
Les valeurs et vertus enseignées évoluèrent alors pour intégrer :
- l’harmonie entre l’Homme et la Nature
- l’illumination spirituelle
- la cultivation de soi
- l’alchimie interne
- la méditation
Zhu Xi, l’un des penseurs les plus influents du néoconfucianisme du 12ᵉ siècle, développa une approche métaphysique basée sur l’idée centrale du « principe ultime ».
Selon lui, le principe ultime est la force motrice de l’univers et réside en chaque être humain.
La cultivation de soi consiste à réaliser ce principe ultime et à atteindre l’illumination spirituelle : la compréhension profonde et une connaissance directe du monde, de soi-même et du fonctionnement de l’univers.
La cultivation de soi se présente sous la forme d’une quête continue qui nécessite un effort constant et volontaire.
Le néoconfucianisme apporta également son lot de changements dans la pratique du confucianisme.
Par exemple, il mit l’accent sur l’étude approfondie des classiques confucéens et établit une méthodologie d’interprétation rigoureuse appelée « l’étude de la signification ».
Cela signa le début d’une renaissance de l’érudition confucéenne à travers un nouvel ensemble de concepts clés :
- Tout d’abord, il y a le concept de dao (道), qui peut être traduit par « la Voie » ou « le Chemin ». Le dao est le principe fondamental qui régit l’univers et guide les actions humaines. Les néoconfucéens cherchent à comprendre la signification de leur existence en suivant le dao et en harmonisant leurs actions avec les lois de l’univers.
- Les néoconfucéens accordent une grande importance à l’étude et à la connaissance. Ils considèrent que la signification de la vie réside dans l’exploration de la sagesse et dans l’acquisition de connaissances. Pour eux, l’étude des textes classiques, la réflexion philosophique et la méditation sont des moyens clés pour comprendre la signification profonde de l’existence.
- Enfin, le néoconfucianisme met l’accent sur la pratique de l’autocultivation. Les néoconfucéens cherchent à se perfectionner sur le plan moral et intellectuel, en se disciplinant et en maîtrisant leurs désirs et leurs émotions. Cette pratique de l’autocultivation permet de donner un sens à la vie en se rapprochant de l’idéal de l’homme sage.
En somme, l’étude de la signification en néoconfucianisme est une quête du sens de la vie à travers la compréhension et la pratique du dao, du ren, de l’étude et de l’autocultivation.
C’est un chemin vers l’harmonie intérieure et l’harmonie avec le reste du monde.
L’influence de Confucius hors de la Chine
Au-delà de la Chine, le néoconfucianisme a également eu une influence considérable sur d’autres pays d’Asie de l’Est, tels que la Corée, le Japon et le Vietnam.
Il a façonné les systèmes éducatifs, les pratiques religieuses et les structures sociales de ces sociétés.
En Corée, le confucianisme s’est imposé comme la principale idéologie du pays pendant des siècles.
Il s’est enjoint dans tous les aspects de la vie coréenne, y compris l’éducation, la politique, la morale et les rituels. Les examens confucéens étaient utilisés pour sélectionner les fonctionnaires.
De plus, le néoconfucianisme a joué un rôle fondamental dans l’organisation de la hiérarchie sociale et des relations familiales en Corée, en soulignant l’importance de la piété filiale et des relations d’autorité.
Au Japon, le confucianisme a été introduit des missionnaires chinois et a eu une grande influence sur la société japonaise.
Il fit office de pierre centrale dans la formation de l’élite bureaucratique japonaise qui a adopté les principes confucéens de loyauté, de discipline et de respect.
Il transforma aussi le système éducatif japonais en mettant l’accent sur l’étude des classiques confucéens et la promotion de la vertu.
Les pratiques religieuses japonaises ne restèrent pas insensibles à cette influence, en particulier le shintoïsme avec l’intégration d’éléments confucéens dans la spiritualité japonaise.
Au Vietnam, le confucianisme imprégna fortement la culture et les traditions vietnamiennes.
Il joua un rôle clé dans la formation de la classe lettrée qui adopta les principes confucéens de loyauté, d’harmonie sociale et de respect des ancêtres.
Son impact s’étend jusqu’aux pratiques religieuses vietnamiennes, notamment le bouddhisme.
Pour aller plus loin
La place centrale qu’occupe le confucianisme dans la philosophie et les traditions chinoises n’est plus à prouver.
Ce courant de pensée, proche de la religion, s’est peu à peu transformé en un pont reliant les différentes philosophies chinoises, ses Dieux, ses traditions et sa hiérarchie sociale.
Même après la révolution communiste en Chine, qui a cherché à éliminer les anciennes croyances et traditions, le confucianisme a continué de jouer un rôle important dans la vie quotidienne des Chinois.
Aujourd’hui encore, ces enseignements continuent d’être étudiés et pratiqués, tant en Chine (universités chinoises, mais aussi écoles primaires et secondaires) que dans d’autres pays d’Asie de l’Est où son influence fut significative.
Il est désormais bien difficile de séparer le confucianisme de la façon d’être et de penser profonde des Chinois.
N’est-ce pas incroyable de voir comment quelques conversations rapportées par les disciples des disciples d’un sage qui n’avait trouvé aucun maître réussirent à rayonner aussi loin, dans le temps comme dans l’espace ?
Si le sujet t’intéresse, je t’invite à écouter également cet épisode de Podcast dans lequel tu vas découvrir comment la pensée de Confucius a façonné le système éducatif chinois :
Top!
Un film sur Confucius télé chinoise :
https://www.youtube.com/watch?v=7i6NK0wWaWk&t=418s
Merci pour ce résumé qui n’etait pas évident a faire. C’est surprenant de constater que le Confucianisme ait traversé tous ces siècles, et les périodes perturbées qu’a vécues la Chine, notamment la Révolution Culturelle. Le fait qu’il soit aujourd’hui plus présent que jamais permet de mieux comprendre la Chine et les Chinois.
Avec ma culture occidentale plus basée sur l’individu, voir l’individualisme je vois le Confucianisme comme un carcan.
Mes impressions se sont formées à partir de l’étude de la langue, la culture et la société coréenne.
L’avantage du Confucianisme est la stabilité de la société et son inconvénient est l’absence d’initiative et d’innovation donc de progrès et d’amélioration.
Le monde est bien tel qu’il est, surtout n’y changeons rien. Et si le pouvoir peut anéantir votre situation, remonter la pente est quasiment impossible…
(Je ne parle pas de la société moderne bien sûr, même si le poids de la hiérarchie y est encore très puissant et s’ajoute au pouvoir de l’argent).