Comment se créent de nouveaux caractères chinois ?
Par exemple pour traduire la signification d’un nouveau mot, d’une technologie moderne…?
Comment furent créés les caractères des mots « sodium » ou « avion », ou encore les mots « ordinateur » et « internet » ?
Et d’ailleurs, est-ce que ce sont de nouveaux caractères ou de nouveaux mots que l’on crée ?
Dans cette leçon, je vous propose de réviser les bases du système d’écriture chinois, puis nous verrons le processus de création des caractères de nouveaux mots en chinois.
C’est parti !
Sommaire
RÉVISIONS – Comment fonctionne l’écriture chinoise
Avant de connaître le processus de création d’un nouveau caractère, il faut d’abord étudier l’histoire des caractères chinois et comprendre comment les plus anciens ont vu le jour.
Origine des sinogrammes et pictogrammes chinois
À l’origine, il s’agissait de dessins plus ou moins complexes qui représentaient divers aspects de la vie quotidienne.
Au fil du temps, ces caractères se sont simplifiés et stylisés pour devenir le système d’écriture chinois que nous connaissons aujourd’hui.
Chaque caractère chinois représente un mot ou une unité de sens, et la combinaison de ces caractères forme des phrases et des textes.
À lire aussi : L’histoire des caractères chinois – L’incroyable épopée d’une langue millénaire
La différence entre les caractères traditionnels et simplifiés
On distingue deux « familles » de caractères chinois : les caractères traditionnels et les caractères simplifiés.
Les caractères traditionnels sont utilisés à Taïwan, Hong Kong et par la diaspora chinoise à travers le monde. Ils sont plus complexes et comprennent plus de traits que les caractères simplifiés.
Les caractères simplifiés ont été introduits en Chine continentale dans les années 1950 afin de faciliter l’apprentissage de l’écriture pour la population majoritaire.
Ils ont subi une simplification des traits et des formes pour rendre l’écriture plus rapide et plus accessible.
À lire aussi pour en savoir plus : Chinois Simplifié ou Traditionnel : lequel apprendre et quelles sont les différences ?
Le rôle des radicaux dans l’écriture chinoise
Par exemple, Ting (聽, tīng, écouter) en chinois traditionnel devient 听 en chinois simplifié.
Si l’on observe le caractère simplifié 听, on y retrouve deux radicaux :
口 = bouche
斤 = unité de poids, ou hache
Plutôt compliqué d’y discerner le moindre sens logique…
À l’inverse, quand on prend le caractère traditionnel 聽, il est composé de :
耳 = oreille
𡈼 = debout, dressé
𢛳 / 徳 = vertu
On peut en déduire le sens plus facilement : un homme bienveillant qui dresse l’oreille… pour écouter 😉
Connaître les radicaux chinois de base est la première étape dans l’apprentissage des caractères.
Pensez d’ailleurs à récupérer la liste des 100 radicaux les plus communs ci-dessous :
La composition des mots chinois
On retrouve cette logique de construction au sein même d’un caractère, mais aussi dans les mots composés de plusieurs caractères chinois.
On assemble deux caractères dont le sens permet de traduire celui du nouveau mot.
Quelques exemples :
Diannao (电脑, diànnǎo) = ordinateur -> électricité + cerveau
Dianhua (电话, diànhuà) = téléphone -> électricité + parole
Leiyu (雷雨, léiyǔ) = orage -> tonerre + eau
Wufan (午饭, wǔfàn) = déjeuner (de midi) -> milieu + repas
Feiji (飞机, fēijī) = avion -> voler + machine
Comment les nouveaux caractères chinois sont-ils créés ?
Maintenant que nous comprenons mieux la création des premiers caractères chinois, il est plus facile d’imaginer le processus qui permet d’en inventer de nouveaux mots !
Comme pour le mot ordinateur que nous venons de voir, les Chinois peuvent simplement « coller » deux caractères existants pour traduire une nouvelle expression ou une idée.
Mais… Comment cela fonctionne-t-il s’il faut créer de nouveaux mots de toutes pièces, comme pour les composants chimiques ?
Regardons plus attentivement la réflexion derrière la création d’un mot nouveau, et le processus réglementé qui entoure cette mise en circulation.
La création de nouveaux mots chinois
Lorsque nous sommes confrontés à un mot très particulier, qui ne peut se composer par la jonction entre deux caractères existants, il faut appliquer une stratégie différente.
Tout d’abord, le consensus adopté par le gouvernement chinois est le suivant :
- privilégier l’utilisation de caractères simples
- éviter d’utiliser des caractères / radicaux trop courants
- éviter autant que possible de créer de nouveaux caractères / radicaux
- privilégier l’utilisation de caractères dont l’écriture est identique en traditionnel comme en simplifié
- éviter d’utiliser des caractères dont la prononciation se rapproche d’un autre mot du même domaine linguistique
Le cas des composants chimiques est assez parlant.
La convention de nommage en Chine exige que le caractère de chaque nouvel élément chimique découvert possède le radical 钅(métal).
Ensuite, on utilise la prononciation courante d’un autre caractère ou radical pour compléter.
Un exemple pour mieux comprendre ?
Le sodium est mondialement représenté par le symbole (NA) et s’écrit ainsi : 钠. Il se prononce nà.
On retrouve bien le radical du métal à gauche, et à droite le caractère 内 qui signifie « intérieur » et se prononce nèi.
Ici, ce n’est pas le sens de 内 qui nous intéresse, mais sa prononciation courante (nèi est proche de nà) ainsi que la simplicité du tracé. Cela en faisait donc un candidat parfait pour former le nouveau mot « sodium » !
La création de nouveaux… smileys ?
Petite anecdote : avec l’arrivée d’internet, certains caractères furent créés ou dévièrent de leur sens principal.
On retrouve par exemple le caractère Jiong (囧, jiǒng) qui est utilisé aujourd’hui comme une émoticône à l’expression embarrassée.
Un peu comme ceci : o(╯□╰)o
Le sens de ce mot, qui signifiait à l’origine « lumineux », est donc devenu « embarrassé, gêné ».
Comme quoi toute langue vivante évolue vraiment avec son temps !
Un processus réglementé
La création de nouveaux caractères chinois est un processus complexe et réglementé.
En Chine, c’est l’Institut de l’information linguistique chinoise qui est chargé de cette tâche.
Pour introduire un nouveau caractère, il faut d’abord justifier sa nécessité et sa fréquence d’utilisation.
Ensuite, le caractère proposé doit être basé sur des composants déjà existants dans la langue chinoise, afin de respecter la logique et la cohérence du système d’écriture.
Enfin, il doit être approuvé par un comité d’experts linguistiques.
Pour traduire des mots étrangers ou des concepts modernes, les nouveaux caractères peuvent être créés en combinant des composants existants pour représenter la nouvelle signification.
Par exemple, le mot « informatique » a été traduit en chinois par le caractère « 计算机 » qui signifie littéralement « machine à calculer » (计算 = calculer, 机 = machine).
De même, le mot « Internet » a été traduit par le caractère « 互联网 » qui signifie « réseau interconnecté » (互 = réciproque, 联 = unir, 网 = réseau).
Des processus de création logiques, mais au cas par cas
La création de nouveaux mots chinois se fait donc selon les cas d’utilisation.
Le processus peut s’appuyer sur l’assemblage logique de deux mots pour en créer un troisième plus complexe, ou privilégier la prononciation courante et la simplicité des caractères, et dans d’autres cas, encore, traduire une émotion ou une idée simplement en se basant sur le tracé du caractère.
La création de nouveaux mots chinois est donc un acte rigoureux qui vise à préserver l’intégrité de la langue tout en s’adaptant aux évolutions de la société et de la technologie.
On privilégie d’ailleurs la création de nouveaux mots, en opposition à la création de nouveaux caractères ou radicaux, afin de ne pas surcharger le système d’écriture actuel.
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Bonjour
Merci pour vos explications qui sont très intéressantes.
Mais j’ai deux questions:
– lorsque vous parlez du gouvernement chinois, vous parlez de celui de Taipei ou de celui de Pékin?
-je suppose que cet « Institut de l’information linguistique chinoise » n’est pas commune aux deux rives du détroit de Taïwan, comment cela fonctionne de l’autre côté ?